Des signes et des miracles

Une génération méchante et adultère demande un miracle ; il ne lui sera donné d’autre miracle que celui de Jonas. (Matthieu 16, 4)
Les miracles et signes impressionnent l’homme mais ne suscitent guère de changement. Certes, les hommes sont d’abord impressionnés, mais leur émotion se dissipe si rapidement que ces témoins continuent leur mode de vie sans être transformés. Les miracles incitent l’homme à observer les phénomènes surnaturels et à s’imaginer comment Dieu agit au lieu de se laisser transformer par sa Parole et participer au perfectionnement du monde à travers ses propres choix et ses efforts.
C’est pour éviter que de terribles tragédies ne détruisent l’humanité et obscurcissent ses desseins (mais aussi pour montrer la maîtrise des lois de la nature) que l’Eternel Dieu se manifeste quelquefois par des miracles. Mais de telles interventions n’ont que peu d’influence sur l’homme et ne l’incitent guère à changer de vie. Dieu utilise les miracles seulement quand d’autres moyens se révèlent inadaptés au salut de l’homme.
Dieu sait que les miracles ne change pas l’homme, car il ne peut que se changer lui-même. Mais pour faire cela, il doit faire des choix et devenir créative. Les miracles empêchent plutôt le cœur de l'homme à faire resplendir la lumière de la connaissance de la gloire de Dieu.
Ce trésor, nous le portons en des vases d'argile, pour que cet excès de puissance soit de Dieu et ne vienne pas de nous. Nous sommes pressés de toute part, mais non pas écrasés ; […] portant partout et toujours en notre corps les souffrances de mort de Jésus, pour que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre corps. (cf. 2 Corinthiens 4, 6-10)
Le comportement des Israélites montre clairement que les miracles ne les ont pas transfigurés. Ils furent témoins du miracle du partage des eaux de la Mer Rouge qui les sauva de l’anéantissement par l’armée égyptienne. Mais ces miraculés commencèrent aussitôt à se plaindre de leurs conditions de vie, sitôt réfugiés dans le désert. Pendant quarante ans le peuple d’Israël vivait et prospérait dans un désert où les lois de la nature étaient miraculeusement sens dessus dessous. En effet, ce n’est pas la terre qui lui fournit le pain quotidien, mais le ciel qui prodigua la Manne ; et ce n’est pas le ciel qui apporta l’eau pour abreuver le peuple, mais la terre d’où l’eau jaillit miraculeusement d’un rocher.
Le peuple vivait au sein du désert comme un fœtus au sein de sa mère qui lui procure ce qui est nécessaire à la vie. Malgré cette protection Israël se plaignait et se rebellait à maintes reprises. Pourquoi ? Ils considéraient les miracles comme un acquis leurs assurant subsistance et protection. Le désert miraculeux n’était pas la destination mais une étape de leur voyage, un passage pour « la terre promise » - leur destination originelle. Pourtant à l’approche de « la terre promise », le peuple ne voulut y entrer et envoya douze espions pour l’explorer. Mais quand les espions à leur retour racontèrent que « la terre promise » dévore ses habitants, il n’avait encore moins envie de quitter le désert miraculeux qui leur permit de jouir de la vie sans se fatiguer. Ils ont du se demander : « que peut bien apporter cette terre promise ? » Pourquoi quitter ce merveilleux désert où nous profitons tous les jours des miracles de Dieu ? Pourquoi entrer dans un pays qui exige un travail dévorant, de la sueur et des larmes pour obtenir la nourriture quotidienne ?
Seuls Josué et Caleb avaient hâte de quitter leur vie d’assistés au désert pour se mettre au travail. Contrairement à la multitude, ils étaient animé d’un autre esprit : cesser de vivre des miracles, de l’assistance et conquérir « la terre promise » pour la cultiver et y faire couler « du lait et du miel ». L’Esprit Saint les y encouragea de la même manière que le nouveau Testament le fait par la bouche de l’apôtre Paul :
Mes bien-aimés, avec cette obéissance dont vous avez toujours fait preuve, et qui doit paraître, non seulement quand je suis là, mais bien plus encore maintenant que je suis absent, travaillez avec crainte et tremblement à accomplir votre salut. (Philippiens 2, 12)
Le comportement des Israélites illustre parfaitement la crise que vit aujourd’hui l'humanité qui constamment se demande : « Où peut-on trouver Dieu ? Est-il en nous ou est-il au-delà de nous ? » « Sommes-nous sur terre pour parler des signes et des miracles de Dieu ou sommes-nous sur terre pour participer à travers nos choix et nos efforts à la transformations de notre être et de celle du monde ?»
Durant les quarante années au désert le peuple d’Israël apprit que l’Éternel Dieu est au-delà des lois de la nature, et que les miracles ne transforment nullement les êtres et qu’ils ne sont jamais des dieux. Depuis les croyants savent implicitement qu'il n'y a qu’un seul Dieu : l’Éternel Dieu qui est Esprit. Au désert Dieu manifesta au peuple sa transcendance par des signes et des miracles ; ces merveilles avaient cependant tendance à éclipser l’immanence divine dans les cœurs. Dans le pays promis ce fut l’inverse : c’est l'immanence divine qui éclipsa dans les cœurs la transcendance divine, et ce au point que le peuple ne reconnut plus l’éternelle puissance de Dieu. Pourtant :
Ce qu'on peut connaître de Dieu est pour eux manifeste : Dieu en effet le leur a manifesté. Ce qu'il a d'invisible depuis la création du monde se laisse voir à l'intelligence à travers ses œuvres, son éternelle puissance et sa divinité, en sorte qu'ils sont inexcusables. (Romains 1, 19-20)
La transcendance et l’immanence divine sont deux manifestations où l’Éternel Dieu nous fait comprendre que nos succès et nos effets dépendent toujours de Lui. L’étincelle divine en nous - le souffle originel de Dieu - cherche à évoluer et se manifester au dehors. Aujourd'hui la science et la technologie font des progrès étonnants. La créature devenu créateur est prêt à se hisser au niveau des dieux qui font ce qui leur plait. Est-ce que ce pouvoir d’être « comme des dieux » va détruire l’humanité ou servir à la transformer de sorte qu’elle fasse briller la lumière divine et dans les cœurs et dans ce monde ?
Car, nous aussi, nous avons reçu une bonne nouvelle absolument comme ceux-là. Mais la parole qu'ils avaient entendue ne leur servit de rien, parce qu'ils ne restèrent pas en communion par la foi avec ceux qui écoutèrent. (Hébreux 4, 2)
Choisissons humblement de faire ce que nous avons à faire en obéissant aux préceptes de Dieu pour associer l’Esprit divin répandu dans notre cœur avec l’Esprit Saint au-delà de nous. Notre vie est notre affaire. Notre histoire fait partie de l’histoire des hommes ; et l’histoire des hommes est finalement l’histoire de ce Dieu unique que nous avons le privilège de servir. Nous faisons tous, consciemment ou non, parties de cette aventure divine qu’est l’Histoire de Dieu. Il n’y a pas de plus grand miracle et bonheur que de servir l’Eternel Dieu consciemment en obéissant humblement et promptement et avec joie à sa Parole.
Ce miracle se produit lorsque l’Esprit Saint peut répandre l’amour de Dieu dans notre cœur. Notre esprit peut alors confesser Jésus-Christ venu dans la chair - dans notre chair - parce que l’esprit divin en nous (l’immanence divine) est en communion avec la transcendance divine (l’esprit divin au-delà de nous) pour penser, dire et accomplir toutes choses avec amour. Nous expérimentons ainsi le mystère de l'unicité de Dieu. Et notre récompense c’est de laisser briller l'amour divin autour de nous à travers nos choix et nos œuvres qui participent ainsi au perfectionnement du monde.
A ceci reconnaissez l’esprit de Dieu : tout esprit qui confesse Jésus Christ venu dans la chair est de Dieu ; et tout esprit qui ne confesse pas Jésus n’est pas de Dieu ; c’est l’esprit de l’Antichrist. (1 Jean 4, 2-3).

K. Woerlen (publié le 15 janvier 2020)