Du mystère de Christ

C'est par révélation que j'ai eu connaissance du mystère sur lequel je viens d'écrire en peu de mots. En les lisant, vous pouvez vous représenter l'intelligence que j'ai du mystère de Christ. (Éphésiens 3, 3-4)
Bien que le mystère de Christ, évoqué par l’apôtre Paul aux chapitres un et deux, soit d’une simplicité élémentaire, nous ne pouvons le découvrir ni le comprendre avec nos facultés naturelles. Dieu seul peut ouvrir l’entendement humain et révéler ce qui est caché à ceux qui en font la demande.
L’apôtre Paul en est un exemple : Instruit aux pieds des meilleures maîtres de l’école des pharisiens, il s'égarait néanmoins dans son raisonnement jusqu'au jour où la lumière de Dieu l'aveugla sur le chemin de Damas. Il réalisa alors que sa religiosité et son raisonnement l’avaient trompé. Il comprit notamment qu’être de la race d'Israël, circoncis et un pharisien irréprochable ne lui permet pas se croire supérieur aux autres hommes. Il comprit aussi que ni les Juifs ni les païens ne peuvent être affranchis de la puissance du péché qu’en devenant des enfants de Dieu après avoir renoncé et à eux-mêmes et aux choses qui sont de ce monde pour suivre Jésus-Christ.
Satan promit à Adam et Eve que leurs yeux s'ouvriraient s’ils tenaient compte de sa suggestion de manger de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. (Genèse 3, 5) Et sa promesse se réalisa : leurs yeux s’ouvrirent... mais ce fut pour découvrir la nudité et la honte l’un devant l’autre. Pour avoir cherché à « connaître et être » et s'être laissé aveugler par les choses désirables et temporaires, ils ont perdu la jouissance du jardin d’Éden. En ouvrant leur cœur à la voix du séducteur et en choisissant d’ignorer la parole du Créateur, les deux ont dû apprendre qu’ils ne sont pas des dieux et qu’ils se trouvent dans cette situation que les Écritures appellent : la première mort.
Ainsi, par un seul homme le péché est entré dans le monde pour s'étendre à tous les hommes. (Romains 5, 12)
Depuis ce choix malheureux, les descendants d’Adam et d’Eve cherchent en vain un sens à leur vie sur terre. Ils vivent dans l’aveuglement aussi longtemps que leur esprit n’est pas divinement régénéré. En dépit d'une très courte jouissance dans les plaisirs terrestres, les hommes sont inexorablement entraînés vers cette autre mort que les Écritures appelé : la seconde mort. De son côté, Satan entreprend tout pour parachever son œuvre diabolique en essayant d'empêcher que le mystère de Christ se révèle à ceux qui aspirent du fond de leur cœur à retrouver ce « ciel sur terre » que leurs ancêtres ont perdu.
Après avoir modelé le premier homme avec de la glaise du sol, Dieu lui insuffla une haleine de vie. C’est cette étincelle de divinité qui fait de l'homme un « être vivant » composé d'un corps : l'homme extérieur, et, d'une âme : l'homme intérieur. Avec les cinq sens naturels du corps : la vue, l'ouïe, le goût, l'odorat et le toucher, l'homme extérieur est en relation avec le monde visible. Avec les cinq sens spirituels de l'âme que sont : la vue, l'ouïe, le goût, l'odorat et le toucher de l’esprit, l’homme intérieur est en relation avec le monde invisible.
En imitant le choix malheureux de ses parents, Caïn choisit aussi de ne pas écouter Dieu et s’éloigna de sa face après avoir tué son frère Abel. Depuis ces évènements, l’homme intérieur - l’âme - n’est plus capable de percevoir les choses spirituelles qui appartiennent au Royaume des cieux. Les seules facultés qui lui restent - tels les arts et l'humour - ne sont qu'une ombre de ses capacités spirituelles originelles ; elles ne lui servent qu'à satisfaire les désirs de la chair.
Aussi longtemps que l’homme vit éloigné de Dieu, son âme ne peut prendre plaisirs à la parole de Dieu pas plus qu'un cadavre dont ses cinq sens naturels sont éteints bien qu'il en possède encore les membres correspondants.
En venant sur terre comme le « second Adam », Jésus-Christ ne proposa pas de restaurer l'homme extérieur mais de régénérer l’homme intérieur pour qu’il puisse de nouveau percevoir les choses spirituelles divines conformément à son dessein initial. Ainsi, après la mort et la résurrection de Christ, Dieu laisse désormais l’Esprit Saint se répandre dans les cœurs pour donner à l’homme intérieur une espérance vivante.
Et l'espérance ne déçoit point, parce que l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous fut donné. (Romains 5, 5)
Lorsque l’homme intérieur est ainsi régénéré et rendu vivant, il possède le pouvoir d’assujettir « l‘homme extérieure » avec ses désirs et ses convoitises. Quiconque est régénéré de la sorte peut alors vivre la vie d'un enfant de Dieu et apprendre à voir, à entendre, à goûter, à toucher et à sentir les choses spirituelles et divines du monde invisible. Toutefois, celui qui ne veille pas à nourrir son « homme intérieur » de « toute parole qui sort de la bouche de Dieu » le fera dépérir et laissera l’homme extérieur avec son orgueil, ses convoitises et ses soucis terrestres reprendront le dessus.
N'aimez ni le monde ni ce qui est dans le monde. Si quelqu'un aime le monde, l'amour du Père n'est pas en lui... Or le monde passe avec ses convoitises ; mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement. (1 Jean 2, 15-17)
Le mystère de Christ était caché en Dieu dès avant la fondation du monde. Le fait même que Dieu ait résolu de racheter l'homme par Christ, le « second Adam », montre qu'il savait d'avance que le premier Adam ne tiendrait pas l'épreuve. Mais qui peut comprendre les profondeurs de la sagesse de Dieu ?
Pourquoi fallait-il que le premier Adam choisisse à ne pas suivre le conseil de Dieu ? Ne serait ce pas parce que Dieu lui avait laissé la liberté de choisir entre le bien et le mal pour pouvoir manifester - le jour où il en mangera (Genèse 2, 17) - sa divine gloire à travers sa miséricorde insondable ? Sans doute, car le mystère de Christ est justement cette possibilité offerte de se laisser affranchir du pouvoir séducteur des ténèbres, passer de la mort à la vie, et être transplanté dans la lumière resplendissante de la connaissance de Dieu.
Cependant, Dieu n’impose aucun choix. Les hommes gardent leur entière liberté pour choisir entre la vie et la mort, entre le bonheur et le malheur, entre Jésus-Christ et Satan. Certes ce choix n’est pas toujours évident parce que les révélations de Dieu ne flattent jamais la chair – l’homme extérieur. Écouter la voix de Dieu et choisir de renoncer à tout pour suivre Christ ne se fait pas sans souffrance. Le bonheur est à ce prix ! C’est ce que l’apôtre Pierre souligne clairement en précisant :

D'ailleurs, même si vous souffriez pour la justice, vous seriez heureux. (1 Pierre 3, 14)

K. Woerlen (publié le 5 août 2018)